Voici une traduction des parties intéressantes d’une étude australienne de 2013. L’éreutophobie peut-elle être diminuée en appliquant une crème à l’ibuprofène sur les joues ? Cette étude donne des bribes de réponse à cette question.
Une des causes de l’éreutophobie
On lit parfois que l’éreutophobie est due qu’à des mécanismes psychologiques. À ce cercle vicieux : j’ai peur de rougir, donc je rougis, donc j’ai encore plus peur de rougie, donc je rougis plus, etc.
Pourtant, il y a d’autres explications. Le circulation sanguine des éreutophobes fonctionne un peu différemment de celle des gens qui n’ont pas ce problème.
Notre sang est composé de divers constituants. Parmi eux, il y a ce qu’on appelle des vasodilatateurs. Le rôle d’un vasodilatateur est de dilater les vaisseaux sanguins. Et donc de faire en sorte que le sang circule plus vite dans le corps.
Les éreutophobes ont besoin d’une toute petite quantité de vasodilatateur. Cela suffit pour augmenter leur circulation sanguine, alors qu’il en faudrait beaucoup plus à des personnes non éreutophobes. Leur circulation sanguine augmente facilement, qu’ils fassent une activité stressante comme chanter une chanson ou non stressante comme s’asseoir tranquillement.
Il est aussi probable que les éreutophobes libèrent dans leur corps plus de vasodilatateur. Le sang monte donc en quelque sorte plus vite aux joues.
Éreutophobie : quel nouveau traitement proposé ?
C’est en partant de ce mécanisme déclencheur de l’éreutophobie que les chercheurs de cette étude ont eu l’idée de tester un nouveau traitement. Il y a des substances qui permettent de diminuer la sécrétion de vasodilatateurs. Donc en quelque sorte, des traitements qui font diminuer la circulation sanguine.
Les anti-inflammatoires non-stéroïdens (souvent appelés AINS) ont ce rôle. L’ibuprofène est l’un de ces AINS les plus utilisés. On utilise habituellement les AINS sur des inflammations, par exemple en cas de rhumatisme. On les applique directement en pommade sur la peau, ou on les avale sous forme de cachet. Ils diminuent l’inflammation en diminuant la sécrétion des vasodilatateurs.
L’idée était donc d’utiliser l’ibuprofène pour diminuer l’afflux sanguin au niveau des joues. Au lieu de l’utiliser comme habituellement sur une articulation, les chercheurs ont suggéré de l’utiliser au niveau des joues.
Comment l’ibuprofène a été testé sur les éreutophobes ?
286 étudiants ont été présélectionnés pour participer à l’étude. Ces étudiants avaient rempli un questionnaire pour savoir s’ils étaient ou non atteints d’éreutophobie. Deux groupes ont été constitués :
- un groupe qui avait fortement peur de rougir, composé de 12 femmes et 4 hommes, âgés de 17 à 37 ans, en moyenne 22 ans. Ils avaient un score compris entre 29 et 55 à un questionnaire sur la peur de rougir où le score maximal possible était de 60 (peur extrême de rougir) ;
- un groupe qui n’avait quasiment pas peur de rougir, composé de 6 femmes et 8 hommes, qui avaient entre 0 et 9 à ce même score.
Les participants à l’étude étaient dans une pièce où il faisait 22°. Sur une de leur joue, on appliquait de l’ibuprofène sous forme de gel à 5 % sur une surface d’environ 1 cm de diamètre et pendant 1 minute. Sur l’autre joue, en guise de contrôle, on appliquait un gel à base de préparation saline qui n’avait pas d’effet de vasodilatation. Ensuite durant 1 heure on laissait appliquer un film sur la peau pour favoriser l’absorption du produit.
On enregistrait ensuite leur circulation sanguine. Puis ils devaient noter entre 0 et 100 s’ils se sentaient ou non gênés ou rougissant.
Ils devaient ensuite chanter en étant enregistré I will survive de Gloria Gaynor (heureusement pour eux, ils étaient anglophones, c’est déjà ça !). En plus de ça, un expérimentateur leur donnait des instructions lorsqu’ils chantaient du type “sois en rythme avec la musique”.
Après avoir chanté, ils devaient de nouveau noter leur rougissement et leur embarras, puis leur circulation sanguine était de nouveau évaluée.
L’ibuprofène est-il un nouveau traitement contre l’éreutophobie ?
L’ibuprofène a-t-il eu un effet dans l’étude ? Autrement dit, la circulation sanguine était-elle moins importante sur les joues où de l’ibuprofène avait été appliqué ? Et ce particulièrement pour les personnes éreutophobes, durant la tâche stressante ?
La réponse à ces questions est oui. Le débit sanguin était moins important sur les joues où de l’ibuprofène avait été appliqué. Et surtout, il était moins important sur les joues des gens qui avaient peur de rougir avant l’exercice.
Mais concrètement, est-il possible d’appliquer de l’ibuprofène comme traitement contre l’éreutophobie ? Compte-tenu des conditions d’application (laisser la crème 1 heure sur la joue), cela semble difficilement possible. Sauf si le fait de mettre régulièrement de la crème par exemple la nuit a une action aussi la journée. Mais pour savoir si cela fonctionne, il faudrait réaliser de nouvelles études.
La chirurgie contre l’éreutophobie reste beaucoup plus étudiée.
Et vous, pensez-vous qu’une application de crème sur les joues est une solution viable ?
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Référence
Drummond, P. D., Minosora, K., Little, G., & Keay, W. (2013). Topical ibuprofen inhibits blushing during embarrassment and facial flushing during aerobic exercise in people with a fear of blushing. European Neuropsychopharmacology, 23(12), 1747–1753. Résumé ici.