Vous transpirez moins que ce que vous pensez

Transpiration excessive : moins de gens sont atteints réellement quand on quantifie leur sueur

Avec ce titre un peu provocant, je veux revenir sur un phénomène assez fréquent avec l’hyperhidrose : on a tendance à sur-estimer l’intensité de notre transpiration, et surtout, à surestimer son caractère choquant ou gênant pour les autres. Attention, je ne minimise pas l’impact que peut avoir la transpiration excessive sur la vie sociale et professionnelle, et l’anxiété réelle qu’elle peut générer. Mais je pense qu’il est intéressant de parfois prendre du recul dessus et regarder les choses d’un œil extérieur pour avancer.

C’est ce que nous allons faire dans cet article, qui s’appuie sur les résultats d’une publication de novembre 2020 intitulée (traduction de mon fait) : Les différences d’évaluation subjective et objective de l’hyperhidrose chez des étudiant.es en médecine.

Sommaire

  1. Un constat : les autres ne nous voient pas tant transpirer
  2. Données empiriques : on sur-estime l’intensité de notre transpiration
  3. Comment s’appuyer sur ces faits pour moins souffrir de l’hyperhidrose ?

Un constat : les autres ne nous voient pas tant transpirer

Depuis bientôt 10 ans, je discute presque tous les jours avec d’autres personnes atteintes d’hyperhidrose lors de consultations. Systématiquement, les personnes évoquent ce qui les gêne le plus, à savoir : le fait que d’autres personnes puissent se rendre compte qu’elles transpirent excessivement. Que ce soit dans leur vie professionnelle, amicale ou intime.

Je leur pose alors la question suivante : est-ce que quelqu’un vous a déjà fait réellement une réflexion désagréable à ce sujet ? Le plus souvent, les personnes n’évoquent pas de remarque désobligeante directe, mais plutôt des regards ou une gêne, interprétés comme désagréables. S’il y a eu une remarque, cela est arrivé peut-être une fois ou deux sur des années d’hyperhidrose et d’interactions sociales régulières.

Il s’agirait donc plutôt d’une peur d’une attitude de rejet. Le rejet surgissant finalement très peu statistiquement. De plus, il y a beaucoup d’autres prétextes pour rejeter quelqu’un : style vestimentaire, physique plus ou moins agréable, capacité à maintenir une discussion, etc.

Ce constat ne signifie pas que les personnes souffrant de transpiration excessive ne devraient pas être gênées socialement. Mais simplement qu’il est possible sans doute de travailler sur ces pensées anxieuses afin de les rationaliser. Cela peut se faire avec l’aide d’une psychologue formé en thérapie cognitivo-comportementale, mais aussi simplement en s’autoformant à la gestion des émotions négatives et des pensées redondantes.

Données empiriques : on sur-estime l’intensité de notre transpiration

Une équipe de recherche d’un département d’une faculté de médecine polonaise est partie du constat suivant pour mener une nouvelle étude sur l’hyperhidrose : il existe de nombreux traitements possibles contre la transpiration excessive. Pour décider de les délivrer, les médecins tout comme les patient.es s’appuient sur leur ressenti subjectif de la maladie, sur l’intensité et l’impact qu’à la maladie selon eux.

Or, selon ces médecins, il pourrait être intéressant de s’appuyer aussi voire plutôt sur des informations plus objectives, et notamment sur la quantification de la sueur excessive, avant d’entamer certains traitements, surtout ceux dont les effets secondaires potentiels sont lourds. C’est le cas par exemple de la sympathectomie thoracique ou lombaire.

Mais cela n’aurait de sens que s’il y a une différence entre le ressenti de l’intensité de l’hyperhidrose, et la quantité réelle de sueur sécrétée. Pour le savoir, les chercheurs ont étudié des cobayes qu’ils avaient sous la main, à savoir, des étudiant.es en médecine.

179 étudiant.es ont participé, âgés de 18 à 28 ans. Ils étaient alors évalués sur 3 paramètres :

  • leur score à l’Hyperhidrosis Disease Severity Scale (HDSS), qui permet de noter de 1 à 4 le retentissement de sa transpiration sur sa vie quotidienne ;
  • ils devaient ensuite donner des chiffres entre 0 (absence de transpiration) et 10 (transpiration maximale possible) pour noter leur transpiration sur 4 parties du corps différentes : le visage, les pieds, les aisselles et le ventre/dos ;
  • leur transpiration réelle était ensuite évaluée par gravimétrie, sur les 4 régions décrites précédemment.

En réalité, seulement 2 personnes sur 179 étaient atteintes de transpiration excessive « réelle ». C’est-à-dire que ces personnes transpiraient réellement significativement plus que la moyenne sur au moins une des 4 parties du corps. Cela était évalué grâce à la gravimétrie, qui quantifie vraiment la sueur exécrée.

Mais est-ce qu’il y avait plus que 2 personnes qui se décrivaient comme étant atteintes de transpiration excessive ? Oui, c’est effectivement le cas : 20 personnes se décrivaient comme atteinte d’hyperhidrose excessive (score de 3 ou 4 à l’HDSS).

2 personnes réellement atteintes, contre 20 pensant transpirer de manière excessive. Cependant, ces 20 personnes avaient effectivement une transpiration un peu plus importante sur certaines régions du corps. Mais pas de manière suffisante pour être considérée comme excessive, car un large pourcentage de gens transpirent d’une telle manière.

Transpiration excessive : moins de gens sont atteints réellement quand on quantifie leur sueur

Comment s’appuyer sur ces faits pour avancer ?

La conclusion des auteurs est la suivante :

it is possible to use subjective methods more as a screening test, but the choice for the treatment must be based on objective evaluation of sweating.

Traduction de mon fait : il est possible d’utiliser les méthodes subjectives plutôt comme un test de dépistage, mais le choix du traitement doit être basé sur une évaluation objective de la transpiration.

Dobosz Ł et al.

En France, lorsqu’on débute un traitement contre l’hyperhidrose, il est rare que le dermatologue, médecin ou chirurgien nous fasse passer un test. En général, les professionnel-les de santé demandent simplement si l’hyperhidrose est très gênante ou non. Ils considèrent souvent que si la personne se déplace et se plaint de l’hyperhidrose, alors un traitement doit être testé.

Il y a cependant des traitements de l’hyperhidrose avec des effets secondaires potentiellement très graves, bien que très rares. Dans ce cas, il faudrait vraiment que toute prise en charge médicale ou chirurgicale de la transpiration excessive soit précédée d’un test subjectif a minima (HDSS), et idéalement objectif (gravimétrie) de l’hyperhidrose. Cela permettrait 2 choses :

  • voir si les personne transpirent vraiment plus que la moyenne ; si ce n’est pas le cas, l’absence de prise en charge médicamenteuse ou chirurgicale pourrait être proposée ;
  • permettre d’évaluer l’effet réel du traitement en comparant les scores avant et après traitement.

Les résultats de cette étude devraient aussi nous aider à mieux rationaliser et relativiser l’impact de notre hyperhidrose. Il est fort probable que notre transpiration soit un peu moins excessive qu’on le pense.

Référence

La publication est en accès libre sur le site de la revue de dermatologie polonaise dans laquelle elle est publiée, en anglais : Dobosz Ł, Stefaniak T, Halman J, Piekarska A. Differences in subjective and objective evaluation of hyperhidrosis. Study among medical students. Advances in Dermatology and Allergology/Postępy Dermatologii i Alergologii. 2020;37(5):700-704. doi:10.5114/ada.2019.84227.

Publié par Nelly Darbois

J’aime écrire des articles qui répondent à vos questions. En me basant sur mon expérience de kiné (diplômée en 2012) & rédactrice scientifique (diplômée en 2017), et sur des recherches approfondies dans la littérature scientifique internationale. J’habite en Savoie 🌞❄️, où j’ai crée Fonto Media, un média en ligne de ressources sur la santé et la communication.

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