Je suis très heureuse aujourd’hui de partager ce premier témoignage masculin sur le site de l’Observatoire de l’hyperhidrose. Et je suis d’autant plus ravie de vous le livrer que je le trouve très bien écrit, sincère et inspirant. J’espère qu’il suscitera chez vous la même chose qu’il a suscité chez moi :
Je remercie infiniment Thomas, la trentaine, qui a accepté de répondre en détail et en toute franchise à mes questions. Il s’agit également du premier témoignage de quelqu’un qui était touché principalement sur la zone du visage. Les traitements sont malheureusement encore plus limités pour cette partie du corps. Vous découvrirez vers quel traitement Thomas a finalement décidé de se tourner, et avec quels résultats.
Je vous souhaite une belle lecture. Et si vous aussi vous souhaitez témoigner, ce serait avec grand plaisir. Vous pouvez m’en informer par commentaire ou en m’écrivant à transpiration.excessive@gmail.com.
Quel est ton parcours en lien avec l’hyperhidrose jusqu’à la première fois où tu as testé un traitement ?
Enfant, j’avais tendance à envier les sportifs qui transpiraient abondamment à l’effort, comme si cela valorisait leurs performances. Pour ma part, je transpirais très peu, si bien qu’un jour, lors d’un entraînement de basket, mon coach ne me voyant pas transpirer, me demande de faire des tours de terrain, car il pense que je ne donne pas à fond.
Puis à l’adolescence, je développe un peu d’acné et mon médecin me prescrit un traitement à base de Roaccutane (📚 Roaccutane et transpiration). Coïncidence ou effet direct ? Dès la prise de ce médicament, l’hyperhidrose apparaît dans ma vie. Je développe une transpiration excessive, quasi instantanée et au niveau de mon visage.
Au départ, je pense que ça ne durera que le temps du traitement. Hélas, l’hyperhidrose persiste et ma vie devient alors un véritable enfer. Tout cela dans une période de la vie pas simple, au sortir de l’adolescence et à l’entrée dans le monde professionnel.
Transpirer du visage, sur une zone vue et observée de tous, qu’on ne peut pas cacher et qui constitue le pilier de notre identité était pour moi une injustice et une douleur quotidienne. J’avais honte, je me sentais souillé, sale, dépossédé. Je redoutais le regard des autres, je me sentais jugé en permanence. Prendre les transports publics, faire des files d’attente… toutes ces choses anodines du quotidien étaient pour moi redoutées, et je faisais de nombreuses crises de panique. Les entretiens d’embauche ou les présentations en public étaient pour moi un véritable supplice.
Ma vie était un tel enfer que je m’isolais de plus en plus et j’en venais à avoir des pensées suicidaires et je me mutilais. Je me fixais des ultimatums et me disais que si ça continuait encore une année, j’en finirais. Je ne pouvais pas concevoir une vie d’adulte normale avec toutes les responsabilités et les étapes de vie à venir dans mon état.
L’hyperhidrose avait pris ma vie en otage.
Thomas
J’ai tenté de parler de ma situation à mes proches. Soit ils essayaient maladroitement de me consoler en banalisant l’hyperhidrose (“t’en fais pas, on transpire tous, et ça se voit pas…”) soit ils changeaient de sujet de discussion, car ne trouvaient pas les mots pour m’aider. Mon médecin traitant mettait cela sur le compte d’une dépression liée à l’adolescence, et m’a tout simplement gavé d’antidépresseurs (📚 antidépresseurs et transpiration)…
J’étais seul et me sentais impuissant, alors j’ai commencé à écumer les forums et sites internet à la recherche de solutions, d’un traitement miracle. Si cela me faisait du bien de voir qu’il y avait d’autres personnes qui souffraient des mêmes maux, j’étais seul, dans ce monde virtuel, à tenter tant bien que mal à trouver une issue à cette vie que je haïssais.
C’est lors de ces recherches que je suis tombé sur le sujet de la sympathectomie qui paraissait la solution la plus radicale et efficace contre la transpiration du visage. Malgré les risques d’effets secondaires importants et de compensations, j’avais enfin un véritable espoir. J’ai donc contacté un chirurgien spécialisé que j’ai rencontré avec ma mère. Pour la première fois, une personne à qui je parlais de cela – le médecin – m’écoutait et ne tentait pas de minimiser ce que je traversais. L’entendre dire à ma mère que ce que je vivais était un enfer a été un tournant. Enfin, quelqu’un me prenait au sérieux. C’était d’ailleurs à ce moment-là que ma mère a peut-être un peu compris de quoi je souffrais. L’opération était lourde et risquée, mais j’ai rapidement pris la décision de faire l’opération. C’était pour moi ma seule issue.
L’opération s’est bien déroulée. Au réveil, je ne transpirais plus du visage. Mais j’avais une sale sensation de chaleur dans les jambes et dans les pieds.
J’avais un séjour linguistique de 2 mois prévu à New-York que j’étais sur le point d’annuler mais on m’a convaincu d’y aller et bien m’en a pris car dès que je suis arrivé dans l’avion, l’excitation du voyage a pris le dessus et ces symptômes ont disparu et mon corps s’est en quelques sortes adapté. Ce voyage a représenté un véritable tournant dans ma vie. Enfin je pouvais faire ce que je voulais, marcher des kilomètres, parler en public, aller voir des concerts. Vivre.
A partir de ce moment-là, j’ai décidé que j’allais rattraper toutes ces années perdues et vivre le plus intensément possible.
J’ai gagné en confiance à tous les niveaux. Ma carrière a commencé à évoluer, je pouvais refaire du sport, avoir une vie sentimentale.
L’opération n’a pas été un remède miracle. Si ma transpiration au niveau du visage s’est atténuée, j’ai développé une transpiration compensatoire, principalement au niveau du dos. Mais elle était plutôt gérable en comparaison avec celle du visage. J’ai plus de moyen de la cacher.
Cela fait désormais plus de 15 ans que j’ai fait cette opération sans le moindre regret.
Mais l’histoire n’est pas terminée. Il y a 3 ans, lors d’une sortie en montagne, je me suis retrouvé complètement trempé au niveau des fesses. Une transpiration d’une intensité que je n’avais jamais connu sur cette zone. Mon short étant trempé comme si j’avais sauté dans une piscine tout habillé. Alors que ma transpiration compensatoire avait été stable pendant plus de 10 ans, cet épisode a réveillé de vieux démons. Du jour au lendemain, tout m’est revenu en pleine figure, et j’avais de nouveau des idées noires en pensant que je ne pourrais plus pratiquer les sports que j’aimais.
Par contre cette fois, j’ai eu la chance d’être bien mieux accompagné dans cet épisode, notamment par mon nouveau médecin généraliste. Et sans vraiment savoir ce qui a joué un rôle, ma transpiration est revenue à la normale après quelques semaines. Toujours excessive, mais au niveau d’avant.
Aujourd’hui encore, je ne sais pas ce qui a causé ça, et je me pose souvent la question en craignant de nouveaux épisodes. Mais j’essaie de continuer d’avancer et de profiter de la vie et je me dis que même si ça revient, un retour à “ma” normale est également possible.
Quels traitements as-tu mis en place ? Pour quelques résultats ?
Plus jeune, on m’avait mis sous anti-dépresseurs. En parallèle j’achetais sur internet des déodorants soi-disant miracles que j’ appliquais directement sur mon visage. J’ai aussi essayé des choses plus naturels comme la sauge, et différents traitements homéopathiques, tout comme l’hypnose (📚 hypnose et hyperhidrose), mais tout ceci sans grand résultat.
J’ai aussi envisagé une solution comme le Miradry mais malheureusement, ce traitement ne s’applique pas à des régions comme le dos.
D’autres personnes dans ta famille sont-elles atteintes ?
Non, personne à ma connaissance.
As-tu rencontré des professionnels de santé compréhensifs et aidants ?
Pas vraiment, et c’est presque ça le plus difficile ! Le manque d’écoute, de prise au sérieux et de compréhension du milieu médical, qui s’additionne à l’incompréhension des proches, qui ne comprennent pas ce qu’on vit.
Il n’y a eu que le chirurgien pour ma sympathectomie qui comprenait vraiment ce que je vivais, sans doute parce qu’il était régulièrement en contact avec des gens ayant les mêmes problèmes que moi, et ses paroles m’ont fait du bien. Mais sinon j’ai plutôt été déçu par les médecins.
Sinon plus récemment, j’ai pu rencontrer des dermatologues ou médecins déjà un peu plus spécialisés confrontés à d’autres personnes souffrant d’hyperhidrose. Je sens quand même que c’est un sujet un peu plus connu et documenté. Par contre, c’est toujours assez pauvre en termes de véritables solutions ou traitements.
Ta vie aujourd’hui avec l’hyperhidrose : quelles astuces, quelle philosophie de vie, quels traitements ?
J’ai développé pas mal d’astuces au fur et à mesure des années. Au niveau de l’habillement, je m’habille principalement en noir et j’évite tout vêtement pouvant laisser transparaitre des traces de transpiration (📚 vêtements anti-transpiration). Depuis quelques années, j’utilise des t-shirts et sous-vêtement bloquant de type Sutran qui ont véritablement changé ma vie au quotidien, et notamment au niveau professionnel car je peux enfin porter des chemises autres que noires sans avoir le stress de voir des traces apparaître.
Lors de longues sorties en montagne ou d’efforts physiques par exemple, je prends systématiquement des t-shirts de rechange au fond de mon sac à dos.
Quant à ma philosophie de vie, depuis ma sympathectomie, j’ai décidé de vivre le plus pleinement possible sans me fixer trop de limites. J’ai développé une véritable urgence de vivre. A l’époque, j’avais complètement arrêté le sport, je ne pouvais même plus faire une simple randonnée sans me retrouver avec le visage dégoulinant. Aujourd’hui, je fais du sport quasiment tous les jours, je fais de l’alpinisme depuis une dizaine d’années et je réalise des choses que je n’osais même pas imaginer même avant d’être atteint d’hyperhidrose.
Quant au traitement, actuellement je ne prends rien de spécifique lié à ma transpiration et je ne fais pas particulièrement attention à mon alimentation. J’essaie de vivre le plus normalement possible sans trop y penser, même si c’est impossible de complètement l’ignorer.
Quels autres conseils pour les personnes atteintes d’hyperhidrose ?
Franchement, c’est difficile de donner un bon conseil qui va parler à tout le monde. Je détestais les personnes qui avaient tendance à minimiser la chose ou à relativiser en me disant que c’est pas si grave, que tout le monde transpire et que ça se voit pas etc. Personne ne peut se rendre compte à part celles et ceux qui le vivent au quotidien…
Il est donc important de s’entourer de personnes compréhensives et bienveillantes et idéalement d’un médecin compréhensif et aidant, car c’est tellement épuisant d’affronter cela tout seul.
Thomas
Et au-delà de ça, même si vivre au quotidien est souvent difficile, il est important de se fixer le moins de limites possibles et de trouver des petites choses qui nous font du bien au quotidien et nous aident à avancer dans la vie avec ça.
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